31 mai 2002

DANGGOGAE

Alors que les exécutions capitales se déroulaient habituellement au "carrefour situé en dehors de la petite porte de l'ouest", vers la fin de l'année lunaire 1839, c'est-à-dire en janvier 1840, il y eut un petit conflit entre les marchands et les autorités pénitentiaires. Celles-ci voulaient en finir avant la fin de l'année (lunaire). Mais la fin d'une année est une époque extrêmement importante pour les petits commerçants, marchands de vêtements et de produits alimentaires. Or les exécutions avaient lieu sur la "place du marché". Les marchands demandèrent donc aux autorités pénitentiaires de surseoir aux exécutions prévues pour les derniers jours de l'année lunaire, et d'autre part, les autorités pénitentiaires voulaient en finir avant la fin de cette année là.


C'est pourquoi il fut décidé que les exécutions ne se feraient pas sur la "place du marché" au "carrefour situé en dehors de la petite porte de l'ouest" mais sur une petite plage de sable qui se trouvait près d'un ruisseau, (qui depuis a été recouvert d'une dalle de ciment), au bas de cette colline.



Le 31 janvier 1840 (27 de la 12e lune 1839), 7 personnes ont été exécutées ici, et le lendemain ler février, (28 de la 12e lune), 3 autres ont subi le même sort. La loi de l'époque interdisait l'exécution le même jour de deux frères, ou d'un père et de son fils, ou d'une mère et de sa fille. C'est pourquoi, qu'un homme dont le frère avait été exécuté le 31 janvier a été exécuté le 1er février, et qu'une jeune maman de 22 ans a été exécutée le ler février, sa mère ayant été exécutée la veille.



Parmi les 10 martyrs qui ont donné leur vie ici, il y avait 4 hommes et 6 femmes, dont 9 ont été canonisés.



La femme qui n'a pas été canonisée avait 39 ans: elle s'appelait Lee Seong-Rye (이 성례) Maria Son mari Choi François, mort en prison le 12 septembre 1839 des suites des tortures qu'il avait subies, a été canonisé. Le couple avait 6 enfants dont l'aîné était parti à Macao pour se préparer au sacerdoce et deviendra le second prêtre coréen. Les époux avaient été arrêtés le 31 juillet et avaient subi toutes sortes de tortures et d'interrogatoires. Après la mort en prison de son man, la femme qui, tout en étant en prison, était entourée de ses enfants, se mit à penser que ses enfants allaient rester sans soutien et à imaginer qu'elle devait conserver sa vie pour ne pas laisser ces enfants être exposés à toutes sortes de danger. Elle eut la faiblesse de prononcer un mot qui fut pris pour une apostasie par certains, mais pas par les geôliers, car non seulement elle ne fut pas relâchée, mais encore elle fut conduite à une prison plus stricte. Elle fit alors une rétractation devant le juge qui la fit torturer plus violemment que jamais. Pour se mettre à l'abri d'une nouvelle tentation, un jour elle convoque ses enfants et leur dit: "Allez-vous en tous. N'oubliez jamais Dieu. Restez bien unis. Ne vous séparez pas. Attendez le retour de votre grand frère".



Conformément au désir de leur mère, 4 des 5 enfants présents allèrent s'établir ensemble dans un village, et leur grand frère, devenu prêtre et revenu en Corée au début de l'année 1850, établira sa résidence de principe dans leur village, mais circulera un peu partout dans le pays. La maman eut la douleur de voir mourir en prison son dernier-né: Etienne, un nourrisson qui, à la suite des privations et tortures subies par sa mère, mourut de faim. Dans sa "sévérité", l'Eglise a surtout retenu le moment de faiblesse et n'a guère tenu compte de l'ensemble de la vie et de la mort de cette femme. Cette Lee Marie ne semble pas être moins sainte que ses saintes compagnes et compagnons de martyre.



Parmi ces compagnons de martyre, citons le cas de sainte Kwon Jin-i, Agatha, âgée de 21 ans, dont la maman (Han Yong-i Madeleine) a été exécutée le 20 décembre 1839 au « carrefour situé en dehors de la petite porte de l'ouest" et a été canonisée. Mariée à 13 ans, cette Agathe avait un mari si pauvre qu'il ne put la prendre chez lui. Agathe vit plus ou moins en domestique chez un chrétien influent. Le prêtre chinois qui a "travaillé" en Corée de 1833 jusqu'à l'été 1836 dissout, probablement illégalement, le mariage d'Agathe et la prend à son service. Malheureusement ce prêtre chinois a une conduite inadmissible, à divers points de vue, et Agathe devient complice de ce prêtre dans des affaires peu recommandables et même tout à fait scandaleuses.

Le Père Maubant réussit à renvoyer ce prêtre chinois en Chine et à ramener Agathe à une vie normale, pénitente et exemplaire. Agathe est arrêtée le 7 de la 6e lune 1839 avec sa mère. La mère est emprisonnée. La fille est laissée en semi-liberté mais sous bonne garde. Elle réussit à tromper ses gardiens et prend la fuite, mais elle est reprise quelques jours plus tard et retrouve sa mère en prison. Les deux femmes subissent divers interrogatoires et tortures, puis sont conduites devant un tribunal plus strict où de nouvelles tortures et de nouveaux interrogatoires les attendent. Agathe subit la décapitation un mois après sa mère.